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- Le Soleil - Journal Québec -  Du 21 mai 2011

Catherine Lara : passionnée de Ferré

Catherine Lara Presse Québec 2011Une voix pour Ferré revisite les chansons d'un des grands amis de Catherine Lara, Léo Ferré, avec des arrangements world, du flamenco andalouaux rythmes africains. C'est un album très original, mais un pari audacieux.
Le Soleil, Jocelyn Bernier

(Québec) Catherine Lara est une femme passionnée. Ça s'entend dans son chant, dans sa façon de jouer du violon, son indissociable instrument, et ça se lit, dans son autobiographie, parue cet hiver, Entre émoi et moi. Cette passion se ressent également en entrevue, alors que Le Soleil l'a rencontrée, autour d'un grand bol de café au lait, lors de son passage au Québec, pour participer à l'événement Le retour de nos idoles. Nous en avons profité pour parler des idoles, mais également de ses autres projets personnels, notamment de son dernier album, composé de grandes chansons de Ferré.

 

Q Votre dernier projet sur disque, Une voix pour Ferré, revisite les chansons d'un de vos grands amis, Léo Ferré, avec des arrangements world, du flamenco andalou aux rythmes africains. C'est un album très original, mais un pari audacieux. Comment vous en est venue l'idée ?
R Je crois que c'est un album que j'ai toujours eu au fond de moi. Pour moi, Ferré était une sorte de maître à penser. C'était un rebelle, qui vivait dans la vérité, qui disait ce qu'il pensait, sans rechercher le consensus. J'aime ses textes, la violence et l'intensité de ses écrits. Et puis, j'étais tannée de me chanter moi-même, on en a marre, quelquefois. Mais comment refaire ces chansons, lui qui les a faites mieux que personne ?

 

Q C'est là que vous avez eu l'idée de leur donner une toute nouvelle couleur, au risque de déplaire à certains puristes de Ferré ?
R Une nuit, il était 3h du mat, j'ai «entendu» le flamenco andalou, je l'ai vraiment entendu. J'ai couru dans mon studio, je l'ai joué à la guitare, j'étais en larmes... et c'était ça. J'ai dit : «C'est là où je vais t'amener, Léo», en Turquie, en Afrique, en Espagne. L'album a été très bien accueilli en France, à 90 %, je dirais. Il reste toujours 10 % de puristes, d'intégristes, pour qui il ne faut pas toucher à Léo. On ne peut pas plaire à tous! Ce qui me dérange, c'est le manque de tolérance, la virulence de certaines critiques. Pour le reste...

 

Q Même après presque 40 ans de carrière, ça vous dérange, la critique ?
R Bien oui ! Ça compte toujours. Même si c'est l'opinion d'une personne, quand les gens te critiquent, c'est plein de «une personne», c'est difficile. Mais Léo, je peux vous dire que je l'ai respecté sur cet album, je n'ai pas fait moderne pour faire moderne. Sur cette musique du monde, plus intemporelle, j'ai voulu aussi choisir des chansons qui offrent des repères aux gens, tout en gardant le mystère de Léo. Sa famille a adoré, son fils m'a appelé pour me remercier. Ça m'a beaucoup émue.

Q Est-ce que cet album fera son chemin jusqu'à la scène ?
R Oui, la tournée débute à l'automne, en France, et j'espère de tout cœur venir présenter ce spectacle ici. La scène, pour moi, c'est toujours l'intensité, l'endroit où j'ai le moins peur dans la vie, où on peut «donner sa race», comme j'aime le dire. C'est un spectacle qui sera composé à moitié du répertoire de Léo et à moitié du mien. J'ai hâte !

 

Q Les derniers mois ont vraiment été très occupés pour vous, car vous avez aussi fait paraître votre autobiographie, Entre émoi et moi. C'est un projet qui vous tenait à cœur depuis longtemps ?
R Au contraire, je ne voulais pas le faire! Mais, après y avoir bien réfléchi, je me suis dit que peut-être mon refus cachait autre chose : est-ce que j'ai peur de regarder derrière, est-ce que c'est une fuite ? Alors je l'ai fait, avec humour, pour ceux qui m'aiment. Et ça m'a fait du bien. Je sens que j'ai fermé un cahier et que j'ai la paix avec bien des choses. Ma mère, qui a 97 ans, l'a lu quatre fois. Elle m'a dit : «Jamais j'aurais cru que tu m'aimais aussi fort»...

 

Q Vous êtes-vous censurée pour écrire ce livre, étant donné que vous parlez de personnes toujours vivantes, comme votre mère, vos anciens amoureux et amoureuses ?
R Je ne me suis pas censurée, je n'ai pas hésité. On trouve toujours les formes pour dire les choses, c'est ça qui est important. Si je ne dis pas la vérité, qui va le faire ? Je n'ai aucun regret. Moi, un jour, j'ai refusé la souffrance et les étiquettes, le catalogue dans lequel on voulait m'enfermer, l'homosexualité, notamment. Je vis avec une femme (Samantha, depuis 15 ans), voilà. Je ne suis pas homosexuelle, je me dis homosensuelle. J'ai eu envie de parler d'amour, pas de cul !

 

Q Vous êtes venue au Québec pour les spectacles Le retour de nos idoles, un concept auquel vous avez déjà participé en France (Âge tendre et têtes de bois) et que vous referez peut-être. Vos grands succès datent des années 80 (Nuit magique, La rockeuse de diamants), vous sentez-vous quand même à l'aise parmi des vedettes des années 60 ?
R Tout à fait! [rires] En France, j'étais leur marraine, comme Claude Dubois, ici. J'adore l'idée de ces spectacles, j'aime les gens âgés ! Vous savez, les gens comme ma mère de 97 ans, je trouve qu'ils sont souvent largués, mis de côté. Pourtant, ils sont notre mémoire collective. Voir tous ces artistes plus vieux, qui chantent avec tout leur cœur, j'ai beaucoup de respect pour ça. Je défends ces spectacles, c'est un concept humain, chaleureux et bienveillant. Il y en a qui ne jurent que par le jeunisme. On est jeune tant qu'on a quelque chose à dire ! Le reste, on s'en fout !

- Le Journal de Montréal -  Le 5 mai 2011

Catherine Lara : une artiste qui s'assume

C’est avec la fierté de ce qu’elle a accompli au cours de sa carrière que Catherine Lara, qui a récemment lancé sa biographie et un album qui rend hommage à l’oeuvre de Léo Ferré, est de retour au Québec. Profitant de sa participation au spectacle Le retour de nos idoles, la chanteuse et musicienne a généreusement accepté de discuter de sa carrière, de ses aspirations, ainsi que de son inconditionnel amour de la musique.


Q Pourquoi avoir choisi de consacrer un album à Léo Ferré?
R Je pense que c’est un projet que je portais à l’intérieur de moi depuis toujours. J’ai toujours adoré Léo, mais il fallait que j’attende d’en avoir assez de me chanter moi. Ce que j’aime chez Léo, au-delà de ses textes qui sont magnifiques, c’est le personnage rebelle, cette espèce d’anarchiste qui était toujours en dehors de la marge. C’est quelqu’un d’authentique.

Q Comment avez-vous choisi les onze pièces qui se retrouvent sur l’album?
R Ça n’a pas été facile, parce que plusieurs chansons ne peuvent être chantées par une femme, puisqu’elles contiennent des mots que nous ne pouvons pas dire. En même temps, je voulais choisir des chansons que tout le monde peut reconnaître comme Avec le temps et C’est extra. Je voulais chanter des chansons qui parlent aux gens.

Q Pourquoi avoir choisi d’explorer les musiques du monde sur cet album?
R Léo, c’est un peu comme un chanteur de blues. C’est pour cette raison que je souhaitais quelque chose qui s’en rapproche plus comme le flamenco, par exemple. Léo, c’est de l’émotion avant tout. J’y ai mis beaucoup d’Espagne, mais également beaucoup d’Afrique. Comme Léo, qui était un peu apatride, je trouvais que la musique du monde se mariait bien à son oeuvre. Au bout de ce voyage, si je donne envie aux gens de réécouter l’original, j’aurai gagné mon pari.

Q Avez-vous craint la réaction des inconditionnels de Ferré?
R Il y aura toujours des puristes intégristes, des casse-pieds de service qui se demanderont pourquoi j’ai osé toucher à l’oeuvre de Léo. Je pense que ce qui est important, c’est de le faire vivre. On ne les entend plus ces artistes-là. C’est triste.

Q Vous serez du spectacle Le retour de nos idoles, présenté à Québec ce week-end. Pourquoi avoir souhaité être de ce projet?
R Le jeunisme est une maladie terrible. Le rock’n’roll n’a pas d’âge quand on a quelque chose à vendre comme l’émotion et la conviction. Nous allons chanter devant 10 000 personnes et je trouve que c’est un privilège, surtout dans une ambiance tendre, amicale et pleine d’amour. Vous savez, on est toujours le ringard de quelqu’un, quoi qu’il arrive. J’aime les vieux, j’aime les jeunes, j’aime le hip-hop, la vieille chanson française, j’aime Mozart... J’ai des goûts très éclectiques, mais chose certaine, j’aime les gens qui ont quelque chose à me vendre avec leur âme. Je me fous de leur âge et je me fous d’où ils viennent. Je suis contente qu’on fasse exister des gens qui ont passé plusieurs générations à faire rêver. Ce spectacle, c’est une jolie fête.

Q De quelle façon avez-vous évolué depuis vos débuts, dans les années 70?
R Mon parcours a été jalonné de montagnes plus ou moins hautes et de cassages de gueule. Chose certaine, je me suis amusée. Je joue. Je joue du violon, je joue à faire des disques. Il ne faut pas se prendre au sérieux quand on fait ce métier- là. J’ai vécu des expériences multiples et diverses. Il y a eu des instants fabuleux et pénibles, mais c’est ma vie d’artiste. Si c’était à refaire, je le referais.


Q Est-ce ce sentiment d’accomplissement de soi qui vous a poussé à vous lancer dans un exercice biographique?
R Oui. Ça n’a pas été facile. Je me suis un peu violée, quand même. C’était vraiment comme une thérapie. Je reviens sur ma vie, ma vie amoureuse, mon enfance, mon adolescence... C’est une biographie plus personnelle qu’artistique.

Q Dans votre livre, vous vous qualifiez d’« homosensuelle »...
R Je n’aime pas les tiroirs et je trouvais que c’était un mot générique pour parler de l’amour. Ce n’était pas seulement une case réductrice pour parler de mon amour pour les hommes ou pour les femmes. Il se trouve que je partage ma vie avec une femme depuis 17 ans et que je suis très heureuse comme ça. Je n’ai pas croisé l’homme de ma vie. Homo ou hétéro, on s’en fout! Je suis tout cela à la fois.

Q Quelle relation entretenez-vous aujourd’hui avec le Québec?
R Justement, j’ai envie de revenir à l’automne, pour une tournée. Il y a trop longtemps depuis ma dernière tournée au Québec. J’ai encore des choses à dire aux Québécois. En plus, j’ai ici mes habitudes, mes restaurants, mes endroits. Je me sens chez moi.

 

Catherine Lara sera du spectacle Le retour de nos idoles, présenté au Colisée Pepsi, à Québec, les 6 et 7 mai prochains.
L’album Une voix pour Ferré et le livre Entre émoi et moi, publié aux éditions Michel Lafon, sont disponibles en magasins.

Vanessa Guimond